Unitaire - Fiction

L'appel du large

Image de L'appel du large

Présentation

Pitch

Esther, traductrice indépendante, embarque sur son petit voilier, bien décidée à passer quelques jours au calme ; loin de son compagnon, loin de ses clients et pas aussi loin qu’elle le souhaiterait du terrorisme qui fait l’actualité de la région.

Postes recherchés

  • Comédiens
  • Assistant réalisateur
  • Cadreur
  • Ingénieur du son
  • Chef opérateur
  • Régisseur

Matériel et accessoires recherchés

Caméra

Son

Dates et lieux de tournage

Été 2020

Plan d'eau de Plobsheim

Stade actuel d'avancement

La société de production (La Casquette) et moi avons fait le tour des régions sans trouver de financement. Comme je tiens à faire ce film, je cherche à monter une équipe et à lancer un financement participatif.

Note d'intention

Il m’arrive d’aller faire du bateau sur un plan d’eau proche de chez moi, à l’improviste, selon le temps dont je dispose. Être sur l’eau et m’occuper des manœuvres m’amène à vivre plus au présent, attentif à ce qui m’entoure. Le paysage s’éclaircit, les bruits changent, je m’extrais du quotidien.

Un jour, en passant quelques minutes à l’arrêt au milieu du lac, l’envie m’est venue d’exprimer l’apaisement interrogatif qui émane de ces sorties sur l’eau. J’étais bien, au calme, et je me suis demandé pourquoi, toutes les cinq minutes, je rafraichissais sur mon téléphone les unes des quotidiens ainsi qu’un ou deux réseaux sociaux…

C’est ainsi qu’est arrivée l’idée d'Esther, et de son désir d’une parenthèse au milieu de l’agitation, impromptue et difficile à maintenir ouverte. Entouré d’eau, j’avais en tête ce personnage que je voulais faire vivre, légèrement empêtré dans une histoire contemporaine.

Je pense à un film réaliste, sans ostentation ni fioriture. Le bateau d’Esther n’est pas vraiment un signe extérieur de richesse, c’est un petit habitable basique, défraichi, qui coûte le prix d’un scooter de 50 cm3. C’est surtout le vecteur d’un dépaysement qui doit être ressenti par le spectateur comme par Esther — le sentiment de se décaler suffisamment du chemin pour sentir l’air frais.

Le temps court dans lequel évolue Esther ne lui laisse pas assez de respiration pour supporter sereinement les difficultés. Bien que travailleuse indépendante, elle est tributaire de ses clients, jusqu’à un certain point. Malheureusement, passé ce point, le temps long qu’elle cherche à regagner ne se déplie pas simplement pour autant, dans cette époque bouleversée.

Mettre en perspective l’expérience sensorielle du séjour sur l’eau et les sollicitations qui en éloignent Esther est le principe actif de ce film que je conçois comme un temps à part dont on sort songeur — une réflexion sur la (dé)connexion et la polarisation de l’attention.

Je me souviens qu’en 1999, à une personne qui voulait me vendre un abonnement, j’avais répondu que je ne voulais pas recevoir le journal tous les jours et être soumis à un flux continu d’informations. Cela me semble loin. Aujourd’hui, le portable ouvre sur tant de choses que l’éteindre est une épreuve rarement surmontée. Même quand on parvient à prendre le large, la déconnexion n’est pas garantie : la société œuvre dans le sens inverse.

De cette tension informationnelle permanente, le terrorisme tire une partie de ses effets ; il la nourrit et s’en nourrit. Je place l’histoire d’Esther dans ce cadre car le terrorisme a notamment cela de vicieux pour elle qu’il oriente la perception de son environnement. Esther vient chercher la paix au milieu d’un lac sur un objet flottant, à qui elle doit de se maintenir à la surface. Être sur l’eau développe l’attention. Bien qu’on y passe du bon temps, un lac reste un milieu hostile duquel il faut se garder. Le fait qu’Esther soit sensible au moindre bruit, par simple précaution, la rend perméable au stress de l’attentat (au son, la coque est traitée comme une caisse de résonance). Les détails qu’elle remarque prennent la saveur inquiétante du moment. Elle cherche le calme, ne veut plus s’inquiéter (après s’être sortie, dans sa vie, d’ennuis dont on ignore le caractère), mais les germes disséminées par les attentats se développent en pensées spectrales dont il lui est difficile de se défaire : ça a surgi, ça peut arriver à nouveau, presque n’importe où, n’importe quand.

Un des enjeux du film est de faire naître ce genre de pensées et d’en faire prendre conscience, pour amener à s’interroger sur ce temps qui est soustrait au personnage. Pour évoquer en creux cette problématique, la narration joue de ce qui n’arrive pas, l’indicible, que ce soit la reconquête d’un temps long ou l’irruption d’un terroriste en cavale. Il ne se passe rien de tangible et pourtant Esther a du mal à être tranquille, l’inquiétude perle. Bien qu’Esther ne risque pas grand-chose à vivre, bien qu’elle ait les clés en main, la question reste en suspens : que va-t-elle faire de cette parenthèse de liberté qu’elle s’est créée ? Esther se retrouve en porte-à-faux, entre l’eau et le ciel, au milieu des terriens.

Note de traitement

L’appel du large est l’histoire d’une femme qui cherche quelques jours de calme et qui éprouve quelque difficulté dans sa quête…

Dans un premier temps, Esther se gorge malgré elle de ce qui l’amènera plus tard à avoir besoin de tranquillité. Le montage fait la part belle à une caméra assez mobile, à l’épaule, et à une ambiance sonore à la fois familière et fatigante (bips d’avertissement de la voiture, sons urbains, infos à la radio, sirène de la police). C’est un temps rapide, chargé, sans recul, à la lumière du jour contrastée. On embarque avec Esther dans un rythme qu’il sera bon de voir ralentir.

En guise de dérivatif, elle vient faire du bateau d’une manière plutôt sportive : elle le règle au mieux pour en dépasser un autre, elle n’entre pas dans la cabine. Les manœuvres et les gestes techniques ne sont pas esthétisés, ils sont montrés avec le reste, comme ce qu’ils sont pour Esther : des mouvements habituels, connus. La caméra se concentre sur Esther et son environnement proche, avec des plans moyens ou rapprochés taille. Quand le bateau gite, la caméra montre tant que possible un horizon droit, comme lorsqu’on est à bord et que l’on compense les mouvements du bateau. Même si l’on est sur l’eau, le son reste assez chargé : hors-bord et consignes de Nadia à ses élèves, sonnerie et conversation téléphoniques, actualités notifiées par des vibrations amplifiées par la coque, voiles qui battent au vent bruyamment faute d’attention d’Esther, élèves qui crient pour s’adresser à Nadia…

Un déclic a lieu sur le parking du supermarché, quand l’alarme de la voiture sonne et que le propriétaire plaisante en faisant référence au récent attentat. La scène est tournée en un plan-séquence qui commence serré sur le téléphone d’Esther (email de son éditeur), puis passe en plan moyen sur le propriétaire de la voiture et finit en plan large sur Esther qui regarde les montagnes à l’horizon, et prend conscience du besoin qu’elle a de s’extraire de cette spirale pesante de travail et d’actualité. C’est un appel d’air pour la suite.

De retour sur le bateau, le découpage devient plus posé. On joue avec les déplacements dans la profondeur et avec le temps. Ça respire plus. La gamme des sons devient plus reposante : tintement des écoutes contre la coque lors des manœuvres, cliquetis du winch, clapotis de l’eau écartée par l’étrave, léger bouillonnement derrière le safran… Les teintes sont plus douces (bleu, vert, blanc, gris lumineux…) Le bateau est cadré plus large. Les plans qui montrent Esther debout sur le pont donnent une idée de la dimension de l’embarcation : elle n’est pas bien grosse, mais elle suffit. La nuit, la lampe frontale d’Esther, seule lumière du bord, délimite un espace restreint, proche du cocon.

Le film prend un rythme plus apaisé à l’aube et au crépuscule, quand le monde se fait plus rare, la lumière, plus douce. C’est une impression légère, qui s’évanouit assez vite. Dans le calme, les sons portent plus loin ; dans la lumière faible, les lampes torches et les gyrophares percent plus. Autour du plan d’eau, les lumières de la police et les bruits normalement anodins qui viennent de la rive esquissent un champ sombre et moins chaleureux.

L’inquiétude latente transparaît dans le paysage. Le barrage de gendarmerie sur la rive, la vedette de la police rappellent la situation. On les filme depuis le bateau du point de vue d’Esther, avec une focale proche de l’angle de vision humain. Malgré son isolement, le terrorisme a distillé en elle un venin léger mais tenace. Les bruits inhabituels deviennent des menaces : un bout de bois qui touche la coque, quelqu’un qui plonge au loin. Le téléphone qui sonne, les gens qui viennent la voir sur l’eau, sont filmés comme des intrusions : apparitions derrière un plan caché à l’intérieur du cadre, sonneries discordantes…

Cette eau, sur laquelle Esther vient se ressourcer, est montrée sous différentes facettes : l’eau que la lumière zénithale transperce pour aller éclairer le fond, celle qui étincelle en gouttelettes, qui fait de la mousse, enveloppe les corps, dépose des micro-algues sur les parties immergées, celle qui reflète le ciel, le jour, et certaines craintes, la nuit. C’est sur ce fluide protéiforme, vecteur de vie ou de danger, qu’Esther s’accorde une fugue en points de suspension.

Cette évasion réduite à peau de chagrin trouve un écho dans les trois derniers plans du film : Esther couchée sur une banquette, point de vue sur le ciel, plan large en plongée sur le plan d’eau enserré par la ville. On commence par montrer Esther, regardant les nuages défiler, écoutant les rames de Philippe qui s’éloigne, les régatiers qui s’interpellent… Puis un plan large aérien finit par ancrer Esther au milieu du petit lac, de la cité, de l’agitation, au milieu de cette bulle d’air raréfié où elle a du mal à retrouver son souffle.

Lien vers la continuité dialoguée

http://www.auroresboreales.fr/...

Matériel de tournage disponible

PMW-200 et son pour le making-of ;-)

Informations complémentaires

J'ai à disposition le bateau d'Esther.